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Lettre ouverte aux électeurs

lundi 21 septembre 2009, par Guillaume

Jean-Paul Tonnieau, candidat d’Europe Démocratie Espéranto dans la circonscription Massif central - Centre, président d’Espéranto-Loiret, adresse aux électeurs la lettre ouverte suivante.

Mesdames et Messieurs les électeurs,

Dans son article 10, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales précise, à propos de la liberté d’expression, que « ce droit comprend (...) la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées (...) sans considération de frontières ».

Il n’est certainement pas dans l’esprit de la Convention de réserver ce droit, de facto, à une élite. Les mesures concrètes à prendre pour permettre à tous les citoyens de l’exercer pleinement méritent donc d’être étudiées de près. C’est ce à quoi la présente lettre ouverte voudrait vous inviter. Mais tout d’abord, pour clarifier le débat, permettez-nous de vous poser quatre questions fondamentales :

  1. Jugez-vous important, pour l’édification de l’Europe, de permettre à tous les citoyens de communiquer entre eux « sans considération de frontières » avec le maximum d’aisance ?
  2. Est-il pour vous admissible que, dans un continent qui se dit attaché à la diversité culturelle, le choix de 90% des jeunes se concentre sur une seule langue, l’anglais, ce qui confère aux Anglo-Saxons une influence culturelle disproportionnée et limite gravement les chances de connaissance mutuelle des cultures ?
  3. Est-il pour vous conforme aux principes démocratiques que la population européenne se trouve divisée entre anglophones et non-anglophones, ainsi qu’entre personnes ayant les moyens de bien apprendre l’anglais et personnes dépourvues de ces moyens (étant entendu qu’il s’agit ici aussi bien des aptitudes intellectuelles et de la disponibilité en temps que des moyens financiers) ?
  4. Reconnaissez-vous que si le choix se porte de façon si massive sur l’anglais, c’est parce que le désir de communiquer sans considération de frontières implique que tous optent pour une même langue de communication ? (Autrement dit, que tout l’effort investi dans l’apprentissage d’une langue se révèle vain pour la communication inter-européenne si les locuteurs n’ont pas de langue commune ?)

Le terrain ainsi déblayé, nous voudrions attirer votre attention sur une série de faits convergeant vers une solution qui mériterait d’être étudiée de près.

1. La maîtrise réelle de l’anglais est hors de portée de la majorité des Européens (surtout dans les pays où l’on ne parle pas une langue germanique). Une enquête effectuée par Lintas Worldwide révèle que 94% des habitants de l’Union européenne sont incapables de comprendre un spécimen d’anglais courant. En France, 82% des standardistes d’institutions et entreprises contactées par téléphone n’ont pas su répondre à une question élémentaire posée en anglais (« Une enquête exclusive Multilignes-Actiphone/Challenges - La standardiste file à l’anglaise », Challenges, février 1995, p. 80).

2. Les langues nationales sont toutes si difficiles qu’après quatre heures hebdomadaires de cours pendant six ou sept années scolaires l’élève moyen est incapable de communiquer sur un pied d’égalité avec un interlocuteur de la langue qu’il a apprise. « Quiconque s’est donné la peine d’apprendre une langue étrangère sait que le vrai multilinguisme est une chose rare. En règle générale, la langue maternelle est la seule dont on maîtrise toutes les nuances. Nul doute que l’on est politiquement plus fort lorsqu’on parle sa propre langue. S’exprimer dans sa propre langue confère un avantage sur celui qui doit, de gré ou de force, utiliser une autre langue. » [1].

3. À nombre égal d’heures hebdomadaires, un an d’espéranto confère une capacité de communication bien supérieure à celle que l’élève moyen a atteint dans une autre langue au terme de six ou sept années d’étude, au point que l’espéranto n’est plus ressenti comme une langue étrangère. « Bien qu’il ne soit pas une langue maternelle, il n’est pas non plus une langue étrangère. Chez l’espérantophone mûr, il n’est jamais ressenti comme un idiome étranger. » [2]

4. Cette rapidité d’accession à la maîtrise tient au fait que l’espéranto suit de plus près que toute autre langue le mouvement spontané de la verbalisation tel qu’il est programmé dans les structures nerveuses innées de l’être humain.

5. L’étude de l’espéranto dans l’enfance stimule et facilite l’acquisition ultérieure d’autres langues.

6. D’une manière générale, les personnes qui ont appris l’espéranto ont une meilleure connaissance des autres cultures que les personnes qui n’ont appris aucune langue étrangère ou qui n’ont appris que l’anglais. C’est ce que confirme le groupe de travail sur l’espéranto du Ministère finlandais de l’éducation : « Les résultats d’expériences pédagogiques montrent, entre autres choses, qu’un cours d’espéranto organisé dans une optique propédeutique améliore considérablement le succès des élèves dans l’étude des langues étrangères » [3]. On peut demander à l’Institut de Cybernétique de l’Université de Paderborn une importante bibliographie sur ce point, intitulée « Propädeutischer Wert der Internacia Lingvo ».

7. Tous ceux qui ont étudié le milieu espérantophone le confirment : l’étude et la pratique de l’espéranto ne présentent aucun inconvénient.

8. Si, appliquant les principes de la recherche opérationnelle, on compare dans la pratique les divers modes de communication utilisés entre personnes de langues différentes (anglais, traduction et interprétation simultanée, espéranto, baragouinage, gestes, etc.) pour l’ensemble des critères pertinents : rapidité d’accession des partenaires au niveau de communication voulu, précision, ampleur des économies réalisées, absence de fatigue nerveuse, aisance dans l’élocution, expressivité affective, facilité de rédaction, égalité entre partenaires, spontanéité, richesse d’expression, réaction immédiate à l’humour, etc.), on constate que l’espéranto se révèle très nettement supérieur aux autres systèmes pour l’ensemble des critères [4].

9. Le choix de l’espéranto comme moyen privilégié de communication transnationale va souvent de pair avec un attachement particulièrement marqué à la culture locale ainsi qu’avec un renforcement du sentiment d’identité régionale ou nationale [5].

10. Les jugements défavorables à l’espéranto émanent toujours de personnes qui ont omis de vérifier les faits et de comparer l’espéranto, dans la pratique, aux autres méthodes appliquées à la communication entre personnes de langues différentes [6].

11. L’espéranto est une langue remarquable par sa souplesse, sa vigueur et son expressivité, comme l’atteste sa littérature. « L’espéranto n’est pas du tout une langue uniforme, une langue robot, mais, au contraire, une langue naturelle et souple. Il est en mesure d’exprimer les nuances les plus subtiles de la pensée et du sentiment, il est propre à permettre, par conséquent, l’expression la plus juste, la plus littéraire, la plus esthétique et de nature à satisfaire les esprits les plus ombrageux et les plus particularistes ; il ne peut pas porter ombrage aux fidèles des langues nationales » [7].

Ce faisceau de faits ne saurait être éludé. Lorsque vous procéderez à la vérification, vous constaterez que les chercheurs et auteurs divers qui ont étudié la réalité sur le terrain aboutissent à une conclusion unanime, à savoir que, de tous les systèmes de communication utilisés entre locuteurs de langues différentes, l’espéranto est celui qui présente, pour le maximum de personnes, le maximum d’avantages et le minimum d’inconvénients.

Si nous insistons sur cette langue, ne vous méprenez pas ; la langue équitable n’est qu’un moyen pour atteindre plus de démocratie.

Aujourd’hui, le parlement européen favorise la langue anglaise, et dans les faits, sans qu’aucun choix de langue commune n’ai jamais été demandé à vos députés européens, cette politique de fait se traduit en France dans notre politique de l’enseignement.

Et cela n’est pas gratuit !

Selon le rapport sur "L’enseignement des langues comme politique publique", un document rédigé en 2005 par Francois Grin, professeur à l’université de Genève, à la demande du Haut Conseil à l’évaluation de l’école français, qui traite de la politique linguistique de l’Union européenne du point de vue du coût économique pour les États-membres, ainsi que des implications politiques et culturelles, le choix de la langue anglaise, bien que son analyse puisse s’appliquer à n’importe quelle autre langue nationale qui serait choisie comme langue unique, apporte pour le Royaume-Uni, un des états-membres où l’anglais est langue officielle, une économie de 17 à 18 milliards d’euros par année. Ce chiffre ne prend pas en compte les avantages annexes dont bénéficient les locuteurs natifs de la langue unique choisie, dans une situation de conflit ou de négociation se déroulant dans cette langue ! En outre, le rapport indique que les effets symboliques ont aussi des répercussions matérielles et financières !

Il s’agit là, en fait, d’un rabais dissimulé consenti au Royaume Uni, qui profite toujours, jusqu’en 2013, du trop célèbre rabais Thatcher que l’on estime encore à ce jour, à 3 milliards d’euros annuels...

Pensez à ce que ces sommes (21 milliards d’euros par an) permettraient si elles étaient employées à la mise en œuvre d’une politique sociale européenne !

Que vous le vouliez ou non, nous sommes maintenant dans l’Europe du traité de Lisbonne. Que vous en soyez satisfait ou non, nous devons prendre en main nos droits Européens. C’est pourquoi il est important de voter ce 7 juin prochain.

Nous ne doutons pas que vous prenez à cœur vos responsabilités au service de l’Europe et des Européens. C’est pourquoi, eu égard aux faits exposés ci-dessus, nous vous demandons de voter Europe Démocratie Espéranto afin que vos députés européens :

  • Entreprennent une action destinée à contrecarrer l’impact des affirmations fallacieuses couramment répandues au sujet de l’espéranto, qui ont pour seul effet de priver les Européens de l’exercice réel de leur droit à la communication ;
  • Qu’ils encouragent expressément les citoyens à apprendre et à pratiquer l’espéranto ;
  • Qu’ils invitent les États à étudier la possibilité d’introduire l’enseignement de l’espéranto comme première langue étrangère à titre de préparation pédagogique à l’étude ultérieure d’autres langues ;
  • Qu’ils appellent l’attention des populations sur les dangers que la place prédominante faite à l’anglais dans la vie internationale fait courir à la diversité culturelle de l’Europe, à la démocratie et à l’enracinement dans une identité locale précise, dangers qu’une vaste diffusion de l’espéranto permettrait d’éviter.

Votez Europe Démocratie Espéranto afin de rendre la politique Européenne compatible :

  • Avec le discours officiel exaltant la connaissance mutuelle des cultures européennes,
  • Avec l’obligation morale qu’ont les États de faire le meilleur usage des sommes reçues des contribuables,
  • Avec le droit, reconnu à tous les citoyens à l’article 10 de la Convention précitée, « de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées (...) sans considération de frontières ».

Les traditions européennes de respect mutuel et d’honnêteté intellectuelle interdisent de porter un jugement avant d’avoir étudié le dossier et vérifié les faits. Or, dans le domaine visé ici, les jugements non fondés sont la pratique courante. Nous comptons sur votre sens des responsabilités pour que vous contribuiez, par votre vote, à renverser la tendance actuelle afin de promouvoir l’objectivité et l’esprit démocratique. Il n’y a pas de démocratie sans débat et l’on ne peut débattre sans frais à tous les niveaux de l’échelle sociale que si l’on dispose d’un moyen commun et commode d’échanger idées et informations. En acceptant de représenter une partie de l’électorat européen, nos candidats d’Europe Démocratie Espéranto assument leur responsabilité quant au respect des droits et libertés fondamentales, y compris le droit de communiquer. Cette responsabilité implique une étude objective des options en présence et un engagement envers l’option optimale. Si vous souhaitez recevoir un complément d’information, n’hésitez pas à reprendre contact avec nous.

Nous vous remercions de l’attention que vous voudrez bien accorder à la présente lettre ouverte et vous prions de croire, Mesdames et Messieurs les électeurs, à notre très profond respect.

Jean-Paul Tonnieau, candidat d’Europe Démocratie Espéranto


[1Parlement européen, Rapport sur le droit à l’utilisation de sa propre langue, 22 mars 1994, A3-0162/94, DOC.FR/RR/249/249436.MLT PE 207.826/déf., p.10

[2Cf. Helmar Frank, « Empirische Ergebnisse des Sprachorientierungsunterrichts », Zeitschrift für Phonetik, Sprachwissenschaft und Kommunikationsforschung, 1983, 6, pp. 684-687. Pierre Janton, « La résistance psychologique aux langues construites, en particulier à l’espéranto », Journée d’étude sur l’espéranto, Paris, Université de Paris-8, Institut de linguistique appliquée et de didactique des langues, 1983, p. 70. Sur la facilité de l’espéranto, voir également, par exemple : Norman Williams, « Report on the teaching of Esperanto from 1948 to 1964 » (Manchester, Denton Ergeton Park County School, 1965) ; Claude Piron, « L’espéranto vu sous l’angle psychopédagogique », Bildungsforschung und Bildungspraxis / Éducation et Recherche, 1986, 8, 1, pages 11-39 ; Richard E. Wood, « Teaching the Interlanguage : Some Experiments », Lektos (Louisville, Modern Language Association, 1975), page 68.

[3Opetus- ministeriön Työryhmien Muistioita, Opetusministeriön Esperantotyöryhmän Muistio, Helsinki : Ministère de l’éducation, 1984, p. 28

[4Cf. Centre canadien des droits linguistiques, « Une solution à étudier : l’espéranto », Vers un agenda linguistique : regard futuriste sur les Nations Unies, Ottawa, Faculté de Droit, 1995 (Colloque des 25-27 mai 1995, à paraître, résumé dans le document provisoire, pp. 76-77). Voir également L’espéranto comme langue auxiliaire internationale. Rapport du Secrétariat général adopté par la Troisième Assemblée (Genève, Société des Nations, 1922)

[5Cf. « Espéranto : l’image et la réalité », Cours et études de linguistique contrastive et appliquée, n° 66 (Paris : Université de Paris-8, 1987), premier paragraphe de la page 15 et références bibliographiques p. 41. Voir également les pp. 270-272 de l’ouvrage « Le défi des langues » (Paris : L’Harmattan, 1994)

[6Cf. Alessandro Bausani, « Funzione e pregi dell’Esperanto », in Andrea Chiti-Batelli, réd., La comunicazione internazionale tra politica e glottodidattica (Milan : Marzorati, 1987), p. 121

[7Maurice Genevoix, Secrétaire perpétuel de l’Académie française, interviewé par Pierre Delaire, Radio Nationale, 18 février 1955)

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