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Consultation publique sur le multilinguisme dans les institutions de l’UE : quel gâchis !

dimanche 24 février 2019, par Pierre

La Médiatrice de l’Union européenne a fait une consultation publique sur le multilinguisme au sein des institutions de l’Union européenne. Le rapport vient de paraître : il est affligeant, malgré le bon travail effectué par les services du Médiateur.

A la fin de l’été 2018, la Médiatrice de l’Union européenne a réalisé une consultation publique sur le multilinguisme au sein des institutions de l’Union européenne. La consultation a été close le 30 septembre 2018, et le rapport a été publié dans les 24 langues officielles de l’Union en février 2019.
C’est bien d’avoir fait un rapport, ceci montre que la consultation avait été sérieusement organisée, et l’on peut remercier la Médiatrice de l’Union européenne de ce travail bien fait. Près de cinq mois entre la clôture de la consultation et la publication du rapport, c’est long, mais le résultat est là.

Le nombre de contributions est très faible.
286 réponses en tout, cela fait environ une réponse pour deux millions d’habitants de l’Union européenne.
En supposant que la langue utilisée par les contributeurs corresponde à leur langue nationale, on voit que le nombre de réponses selon les langues ne correspond pas à la population des locuteurs des langues en question.
Le plus grand nombre de contributions a été en français (95), devant l’anglais (57) et l’italien (32). Il n’y a eu que 3 contributions en polonais, soit une pour 12 millions de Polonais, alors qu’il y a eu 14 contributions en slovaque, soit une pour 400 000 habitants de Slovaquie.
C’est dommage que l’information n’ait pas été mieux transmise. Il aurait été mieux que tous les Européens se sentent concernés par ce problème, et que le débat soit plus large.

Les espérantistes sont sur-représentés
« Quarante-six répondants prônent l’utilisation d’une langue commune parlée par tous les citoyens de l’UE. Il existe deux approches : quatre répondants estiment que la langue de travail actuelle (l’anglais) constitue le choix idéal. Quarante et un répondants sont les fervents défenseurs d’une langue commune mais neutre, à l’image de l’espéranto. »
On peut noter « la langue de travail actuelle (l’anglais) » : ceci indique bien le rôle privilégié de l’anglais dans le fonctionnement de l’Union européenne actuelle. Malgré cela, peu de contributions (4) pensent que cette langue commune est le choix idéal.
Dix fois plus de contributions souhaitent l’espéranto. Est-ce à dire que dix fois plus d’Européens souhaitent que l’espéranto soit la langue commune de l’Union européenne ? Probablement pas : cela signifie que parmi ceux qui se sont sentis concernés par la consultation publique, beaucoup sont partisans de l’espéranto.
Mais alors, que font les autres ? Pourquoi si peu de contributions, alors que le thème est d’une grande importance pour le fonctionnement de l’Union européenne ?

Les contributions officielles sont très peu nombreuses
« Trois réponses ont été soumises par des États membres, deux par des agences de l’UE, une par une autorité régionale, 33 par des associations ou organisations non gouvernementales et 247 par des particuliers »
Il n’y a pas de quoi être fier de nos institutions gouvernementales. Trois réponses seulement ont été soumises par des États-membres, alors que beaucoup d’États-membres ont officiellement une politique linguistique. La France a répondu par son Secrétariat Général des Affaires Européennes, l’Espagne par son organe homologue, et l’Italie par sa représentation permanente auprès de l’Union européenne.
Et les autres ?

Pourtant, la politique linguistique peut impacter fortement le fonctionnement de divers organismes
Il n’y a eu que deux organismes de l’Union européenne qui ont répondu : Agence européenne des produits chimiques (ECHA), et Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).
La contribution de l’ECHA est intéressante : elle « craint que le droit d’obtenir des traductions sur demande puisse empêcher l’Agence d’observer ses échéances réglementaires. » Cette crainte est fondée : si un organisme doit réaliser un travail en trois mois, il n’est pas forcément possible que toutes les traductions soient prêtes dans cet intervalle.
Mais cette crainte devrait aussi concerner les autres agences et organismes de l’Union européenne. Sur Wikipedia, la page des agences européennes indique 37 agences décentralisées, 6 agences exécutives, plus quelques autres.
Pourquoi ne se sentent-elles pas concernées par une politique linguistique ?


Les répondants s’accordent sur le souhait d’un régime linguistique clair

« La majorité des répondants (175) sont en faveur d’un régime linguistique. Les opinions divergent quant à la question de savoir si le régime devrait s’appliquer à tous les organes de l’UE ou être spécifique à chaque organe. »
C’est bien un problème majeur, évacué de toutes les discussions et programmes politiques depuis de nombreuses années : quelle politique linguistique doit-on mettre en place en Europe ?

Il est probable que ce problème sera encore absent de la campagne des élections européennes de mai 2019.
Parce que la question des langues, trop souvent escamotée, est un enjeu majeur pour l’Union européenne, Europe-Démocratie-Espéranto va présenter une liste de candidats au scrutin du 26 mai prochain ; les têtes de liste seront Pierre Dieumegard et Laure Patas d’Illiers

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